CAPITALISTE



Dans Brèche dans l’espace, Léon Turpin est un géronte de cent deux ans à la tête du « Développement terrien ». Le boss de cette multinationale au nom parfait ne semble pas un mauvais bougre, non, juste un homme aux habitudes trop rodées, victime inconsciente de la peste de l’économisme, cette maladie très contemporaine qui rend aveugle à toutes valeurs autres qu’économiques. Que soit découvert un univers parallèle au sien, une Terre bis, épargnée par les ravages de l’Homo sapiens ? Voilà Turpin qui se frotte les mains d’excitation : « Peut-être n’y a-t-il jamais eu de houille extraite ni de puits de pétrole forés. Tous ces métaux, tous ces gisements sont peut-être encore enfouis, sur cette Terre-ci, à la différence de la nôtre, où tout ce qui a de la valeur a été extrait depuis longtemps. »1 L’idée que les humains de cette Terre bis, sans doute fort différents des homo sapiens, puissent subir les sinistres conséquences de cette exploitation future, si naturel au capitalisme, ne l’effleure même pas. Et n’effleure d’ailleurs personne dans le roman, au point que l’un des porte-voix de l’écrivain songe, au détour d’une page : « Mon Dieu, ce que j’aimerais y aller ! Voir cette civilisation de mes propres yeux. Avant que nous ne la défigurions, ce qui est inévitable. Quelle expérience ! »2.

1 Philip K. Dick, Brèche dans l’espace (195X), dans le recueil La Porte Obscure, Presses de la Cité/Omnibus (1994), p. 259.
2 Op. cité, p. 266.

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